LE PROPHETE

Si j'infléchis le temps ce temps qui vous dérange
Et creuse plus avant l'inlassable retour
Où le démon se heurte en un furieux mélange
A l'ange qu'il n'est plus et qu'il dispute au jour

Si mon robuste bec d'oiseau-prophète évide
Dans la fibre du bois son parcours obstiné S'il fore sans répit en géomètre avide
Ce cour de bois très dur où le chêne renaît

Si je fouille altier la nuit qui vous traverse
Et nous traverse tous dans son glauque miroir
Si je surprends l'insecte en dépit de l'averse
Qui déferle soudain des nuées sans espoir

C'est qu'en oiseau chasseur j'explore bien des routes
La route des futurs le sentier d'autrefois
-:
Que mon piétinement à rebours des déroutes
N'en est que plus précis et prudent à la fois

Mon bec impitoyable eut raison de l'abîme
Où grouillent plumes poils et sombres feulements o chasseurs accourant à la pantière ultime
Où l'aujourd'hui s'envase en mortels errements

En creusant plus en vous j'ouvre un nid secourable
Aux songes avortés en essaims renaissant
Je tapisse de soie au plus doux de l'érable
Le sens divinatoire où s'élague le sang

Enfant chéri de Mars volant dans la caverne
Où Rémus Romulus furent par moi nourris
Je libère l'essor de votre âme et gouverne
La sève jaillissant des surgeons aguerris

De votre arbre fatal ni le fruit ni la foudre
Rien ne prévaudra contre l'instinct secret

De vous blottir au creux où tout pourrait s'absoudre
Et recréer la vie en son ventre sacré

Michèle PALISSES

Retour sommaire
Palmarès 2008