PRIÈRE

Seigneur, reste avec moi lorsque descend le soir,
Ma course se termine et le temps s'accélère.
Que cette fin de jour soit apaisante et claire
Et s'élève vers Toi comme d'un encensoir.
Car je voudrais, Seigneur, qu'au seuil du crépuscule,
Mon regard soit celui de la lucidité,
Que mon aveuglement brise sa cécité
Et s'ouvre sur l'espoir à l'heure où tout bascule.
Je me souviens, parfois, d'un bel été brûlant
Et de couchants sereins qui coulaient sur mon âme ;
Le soleil déclinait, dans sa gloire de flamme,
Quand la nuit s'avançait ainsi qu'un fleuve lent.
S'il est des soirs exquis, il en est de moroses
Qui laissent dans le cour l'amertume du fiel.
La lumière s'enfuit sans accorder au ciel
Le saint rayonnement de ses métamorphoses.
Dans ce passé, pourtant, qui semble si lointain,
Les îlots de clarté sont les vainqueurs de l'ombre.
Ma mémoire fidèle en retrouve un grand nombre
Parfumés d'origan, de lavande et de thym.
Je n'admirerai plus les fleurs de la montagne.
Mais le silence grave, où je peux méditer,
Me donne le désir, avant de tout quitter,
De respirer l'air vif qui venait de Cerdagne.
L'amour émerveillé, dont vibrait mon esprit,
Quand la fraîche rosée abreuvait les herbages,
Brûle, toujours présent, au sein de mes orages,
Dans l'attente sacrée où ton Pardon s'inscrit.
De plus en plus, la vie abandonne mon être.
Mes membres sont lassés, mon souffle devient court.
Mon destin se craquelle et, dans ce demi-jour,
Reste avec moi, Seigneur, car je voudrais renaître !
Renaître auprès de Toi, pour renaître à jamais.
Comme un enfantement, ma mort est nécessaire.
Mais je sais que la tienne a vaincu l'adversaire
Qui ne pourra m'atteindre en ta céleste paix.
Pour que la Joie éclate au-dessus de ma tombe,
Donne à mes yeux ta Grâce, avant de les fermer.
Pour que le grain de blé meure et puisse germer,
Reste avec moi, Seigneur, car, déjà, la nuit tombe !



Yvette LIERES-BONNARIC

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ARTICLE 99